Lettres de Richard Durn

Richard Durn a écrit trois lettres, adressées respectivement à sa mère et deux connaissances, Sylvaine et Dominique.


Lettre à Stéfania (sa mère)

Nanterre le 26 mars 2002

Maman,

Il y a longtemps que je devrais être mort. Je ne sais rien faire dans la vie. Même pas mourir sans faire de mal.

Mais, maintenant, la lâcheté, cela suffit.

J'aurais voulu être un bon fils et te donner satisfaction pour tous tes sacrifices.

Tu es une femme qui a été humiliée et qui a été si courageuse. Mais il y avait trop de frustrations en toi et d'amertume pour que tu sois heureuse au moins un peu.

Je le regrette. Je suis vraiment triste pour toi. Tu ne méritais pas d'être aussi seule, maltraitée par la vie et les gens.

J'ai capitulé, il y a bien longtemps. Je voulais aimer, apprendre à travailler, apprendre à me battre pour des gens et des choses que j'aime. Je voulais être libre. Mais j'ai une mentalité d'esclave et de faible. Je me sens si sale. Depuis des années, depuis toujours, je n'ai jamais vécu. Je me suis trop branlé, au sens propre, comme au sens figuré.

Je suis foutu. Je n'ai ni passé, ni avenir. Je ne sais pas vivre l'instant présent. Mon corps se délabre car je ne me respecte pas, je ne m'aime pas. Je te laisse tout mon argent. Il doit en tout y avoir autour de 25 000 euros. Ne t'occupe de personne qui viendra te juger parce que tu seras la mère d'un forcené, d'un fou criminel.

Pense que la vie continue et que tu dois apprendre à vivre certaines choses même si tu es seule et que tu te sens pauvre moralement et intellectuellement.

Je me hais, je haïssais la solitude, la paresse, la stérilité. Mais depuis toujours je me suis toujours senti coupable de me masturber et de n'avoir rien fait de ma vie. C'est un cercle vicieux et infernal. Il m'est impossible de m'en sortir. Je ne crois plus en rien et je suis incapable de faire quelque chose.

Pour un type lâche, égoïste et tellement [..renfermé.. ?], je ne mérite pas de vivre.

Mais, je dois crever au moins en me sentant libre et en prenant mon pied. C'est pour cela que je dois tuer des gens. Une fois dans ma vie, j'éprouverai un orgasme. J'éprouverai le sentiment de puissance, d'être quelqu'un. Vivre, c'est prendre des responsabilités, c'est faire des choix, c'est se battre, c'est comprendre qu'on est souvent seul avec des rencontres plus ou moins longues, des vies entremêlées, mais même si on est seul, il faut lutter et ne pas se laisser envahir par des complexes stupides.

Pardon, je n'ai pas su t'aimer et me montrer digne.

Je te laisse aussi le chéquier signé et de l'argent anglais que tu pourras changer. J'aurais dû m'occuper de tout cela mais je suis devenu un tel clochard. Sois heureuse et courageuse, surtout avec tous ces connards qui vont t'emmerder.

Je t'embrasse.

Richard.


Lettre à Sylvaine

Sylvaine, domiciliée près de Dieppe (Seine-Maritime), a rencontré Richard Durn en 1993 au cours d'une mission humanitaire au Kosovo, et a cessé de le voir depuis mai 2001. Il a gardé de l'estime pour elle. Elle a trouvé la lettre de 5 pages mercredi après-midi en rentrant chez elleet l'a remis à la gendarmerie.

Chère Sylvaine,

je suis fou et je suis devenu un clochard, je dois donc mourir. [...] J'ai été aveugle, j'ai refusé de me battre, d'aimer et d'essayer de construire quelque chose. [...] Je vais tuer des gens et me suicider. [...] Mais je suis vide et j'ai fait le vide. Je ne sais pas travailler [...] Je ne sais pas briller en société. [...] Je n'ai ni racines, ni amis, ni famille. [...] Trente-trois ans de merde, de pleurnicheries, de frustrations. [...] J'ai été un con. [...] J'ai été lâche, naïf, velléitaire. [...] Le fainéant, l'idiot et l'onaniste que je suis doit crever. [...] Je suis un frustré sexuel. J'ai toujours eu en fait peur des femmes. [...] Professionnellement, intellectuellement, j'ai fait semblant de travailler, mais je ne sais rien produire. [...] Je n'ai pas eu le talent et la ténacité pour vraiment travailler dans l'humanitaire. [...] Le fils de la femme de ménage slovène n'aura pas su se battre pour être un Rastignac, un Luther King, un revanchard pour les frustrations de sa mère. [...] Alors je vais devenir un serial-killer, un forcené qui tue. Pourquoi? Parce que le frustré que je suis ne veut pas mourir seul alors que j'ai eu une vie de merde, je veux me sentir une fois puissant et libre